D’abord lire la première partie

Dans le contexte de corrélation entre le passé soviétique et la libéralisation subséquente on a présenté dans l’analyse précédente les particularités principales de transformation des sociétés post- soviétiques qui empêchent la transition du système politique autoritaire en démocratie. Dans toute la région post- soviétique la modernisation politique se réalisait simultanément dans tous les domaines de la vie sociale malgré l’absence des conditions suffisantes. En tenant compte des régularités de la démocratisation des pays de la région post- soviétique essayons de présenter les conséquences de sa réalisation en Arménie et les problèmes créés à cause du processus noté ci-dessous.

Par essence tout changement de système doit avoir des bases de valeurs et idéologiques pour se réussir. La politique de Perestroïka adoptée par le gouvernement soviétique et quelques libertés importées dans les domaines économiques et politiques ont été entrepris pour arrêter les troubles de masse, museler la tension dangereuse pour le système et pour préserver le gouvernement qui n’avait pas des impulsions de valeurs des changements. Et naturellement les réformes réalisées « du haut » ne pouvaient pas aboutir aux résultats positifs. Dans les républiques soviétiques, la libéralisation inconsistante a abouti à un éclat de beaucoup de questions gelées et accumulées au cours des années, qui se sont manifestées dans tous les domaines de la vie sociale comme une réaction en chaîne en attisant surtout les contradictions ethniques et les conflits existants. En cas d’Arménie ça s’est manifesté sous forme de « nettoyages ethniques » de masse et d’exode des arméniens commencé à OAHK (Oblast autonome du Haut-Karabagh) ce qui a lancé le mouvement de sécession de l’Azerbaïdjan et de l’accession à la République Socialiste d’Arménie. En conséquence, le mouvement d’Artsakh et  la question d’Artsakh ont joué un rôle essentiel dans les différents processus qui ont précédé et suivi l’indépendance d’Arménie.

Le début du processus de démocratisation : la fondation du système multipartite

Les conditions pour la formation du système multipartite qui est  l’une des composantes les plus importantes de la démocratie, existaient encore pendant les élections parlementaires du mois de mai, en 1990, parce que le Mouvement National Pan – Arménien, formé sur la base du comité Karabagh systématisant le mouvement d’Artsakh est devenu la force politique dirigeant l’indépendance, a eu l’opportunité de participer aux élections de Conseil Suprême et une lutte commune pour le renversement du gouvernement soviétique autoritaire a été menée. Le Mouvement National Pan- Arménien a réussi à obtenir la majorité au Conseil Suprême et une année plus tard Levon Ter- Petrosyan, le dirigeant du mouvement est devenu président sur la base des résultats des premières élections présidentielles

Malgré la libéralisation totale du champ de partis, après l’indépendance en 1991 le Mouvement National Pan – Arménien obtenait le monopole dans le pays, ce qui était conditionné par :

Première : la force motrice principale de l’indépendance d’Arménie et de la sécession de l’Union Soviétique dont toutes les fonctions d’organisation et d’orientation étaient réalisées par le comité Karabagh et puis par le Mouvement National Pan- Arménien. Donc les défis principaux d’État étaient le processus d’indépendance et la victoire du mouvement d’Artsakh et la base idéologique des processus socio- politiques était communе et universelle. En conséquence, après l’indépendance le Mouvement National Pan- Arménien est devenu une force dominante sur le champ politique d’Arménie en tant qu’une puissance prééminente qui avait dirigé ces processus.

Deuxième : pendant les décennies les régimes autoritaires soviétiques dominaient dans le pays où les institutions et les traditions n’existaient pas. Par conséquent, la gouvernance dominante par une force politique et l’aliénation des autres dans la vie quotidienne des gens et dans leur mémoire sociale n’étaient pas extraordinaires.

Troisième : L’existence du système monopartite dans la société, de facto ne provoquait pas des révoltes, parce que le Mouvement National Pan- Arménien qui était au pouvoir à cette époque, jouissait de l’amour et de la confiance du peuple et avait un haut niveau de légitimité.

Donc les forces révolutionnaires ont pu renverser le pouvoir soviétique et former une nouvelle élite. Il y avait une nécessité de centraliser les forces, d’élaborer la course du développement du pays et de la réaliser, mais le scénario s’est déroulé autrement. À cet égard, il est de mise de citer les paroles S. Santisteban sur la fracture entre élites et la fragmentation : « Après que les rebelles envahissent les leviers gouvernant l’appareil d’État, très souvent les différents désaccords se lèvent parmi les leaders révolutionnaires sur la course subséquente. Ces désaccords peuvent se transformer en lutte interne… et les destins des dirigeants vaincus dans cette lutte peuvent être différents : ils peuvent aller à l’inconnu, être exilés, mourir ou bien continuer la lutte contre le nouvel régime. Et c’est pour cette raison qu’on dit que « la révolution dévore ses propres fils ».

Et c’est dans ce contexte qu’on peut examiner les désaccords existant parmi les leaders du Mouvement National Pan- Arménien dans les années suivantes (il s’agit des contradictions entre Levon Ter-Petrosyan et Vazgen Manoukyan), qui ont créé une dissidence dans la conjoncture interne du parti. Ce précédent a joué un rôle important pour le développement suivant du système politique et même aujourd’hui il a ses manifestations parmi les différentes forces politiques. Et les élections parlementaires de 1995 et les élections présidentielles de 1996 accompagnées de violations électorales et confrontations post- électorales entre les autorités et l’opposition ont influé négativement sur le processus de démocratisation et sur l’établissement du système multipartite. La crise de la politique interne a atteint son point culminant quand les confrontations liées aux différents moyens pour résoudre la question de Karabagh ont finalement pris fin avec la démission du président Ter- Petrosyan (le fait de la démission prouve quand même que quelques éléments de démocratie existaient).

En fait les processus politiques des premières années de l’indépendance ont créé une situation de blocage pour la démocratisation de société : l’élite qui avait lutté contre le régime soviétique autoritaire en arrivant au pouvoir a limité progressivement les libertés et les possibilités de libre concurrence des forces, et on vise à résoudre le problème de maintenance du pouvoir et sa reproduction au lieu d’établissement des institutions démocratiques. L’élite de l’Arménie indépendante avait créé les problèmes contre lesquelles elle luttait elle -même il y avait des années.

Démocratie incomplète

Quelles sont les raisons d’une telle régression du processus de démocratisation ? Il faut chercher les raisons dans la corrélation des domaines de la vie sociale : politique, économique et droit.

Le format des relations économiques du système soviétique a été transmis au nouveau régime qui était manifesté par la concentration des leviers puissants d’influence économique dans les mains de l’élite gouvernant ce qui a conduit à la formation des monopoles. La fusion du champ économique et du pouvoir politique devrait renforcer le pouvoir du régime et servir de base pour sa reproduction. Il y avait une fusion de la capitale économique et politique.

En conséquence, les entités économiques ayant des relations mutuelles avec les autorités, bénéficiant des conditions privilégiées abusent des principes des relations économiques concurrentielles, exercent leurs responsabilités fiscales d’une manière incomplète, et le déficit de budget étatique est complété soit par l’augmentation des responsabilités fiscales des citoyens ou bien il entraîne une détérioration de niveau de vie avec les différents problèmes qui en résultent. Et la possession des leviers du pouvoir permet d’adapter l’appareil des règlements judiciaires et de responsabilité à ses propres grés.

L’un des obstacles principaux de l’efficacité de la démocratisation du système politique est la corruption. L’enracinement de corruption dans la période post- soviétique résulte directement du passé soviétique. Les ordres publics du système soviétique, surtout l’absence de la propriété privée et la nationalisation de toutes ressources d’État formait peu à peu la psychologie du pillage. Cette psychologie a été transmise à la société arménienne soviétique où les leviers administratifs sont utilisés pour satisfaire les intérêts et les besoins personnels, la position officielle n’est pas perçue comme une responsabilité mais comme un moyen d’améliorer la prospérité personnelle matérielle ce qui devient possible dans les conditions d’absence de responsabilité. En conséquence, l’élite politique d’Arménie se plonge dans la corruption.

Comme la modernisation socio- économique et la politique se développent d’une manière incomplète et les relations économiques libérales déclarées ne contribuent pas à l’accroissement du niveau de vie du peuple, les réformes démocratiques dérapent encore, et l’élite gouvernante s’éloigne de la masse large en créant un écart dans le dialogue autorité- société, les couches sociales deviennent désespérées et se sentent isolées des processus électoraux, parce que les larges libertés politiques et la capacité d’intervenir dans les processus en cours sont limitées.

Les obstacles d’établissement du système multipartite

Les facteurs qui entravent le multipartisme peuvent être conditionnés par des modèles de gouvernance présidentielle et semi-présidentielle. Par essence, l’émergence du modèle présidentiel dans une société passant de l’autoritarisme au totalitarisme est normale, parce que l’évolution graduelle des valeurs idéologiques et politiques doit aboutir au perfectionnement de l’administration d’État. La culture enracinée de l’administration à parti unique conduit à l’apparition des leaders politiques puissants, ce qui résulte l’existence d’un fort institut du président.

Le champ politique du pays se fragmente, et le milieu existant entrave la formation et le développement du système réel multipartite. En outre, le développement du système multipartite semble irréaliste dans un pays où il n’y pas des conditions préalables pour son enracinement. Dans le cas de l’Arménie, l’absence de la culture de parlementarisme est conditionnée par le passé historique, par exemple l’absence millénaire de l’État. Dans la première république la culture de parlementarisme n’a pas été formée : pendant l’indépendance de deux ans, la FRA (Fédération révolutionnaire arménienne) était arrivée au pouvoir avec une force monopole, et pendant les années soviétiques il ne pouvait pas se développer simplement, donc dans la période de troisième république l’existence des problèmes démocratiques et de multipartisme n’est pas étonnante.

Dans l’histoire de l’Arménie indépendante, le problème du pouvoir a été toujours résolu par les élections présidentielles. Par la Constitution de 1995 et les amendements adoptés en 2005, le président de la République était considéré comme le chef d’État et ce fût un rôle dominant dans l’ensemble du système de gouvernement.

Dans le système semi – présidentiel, la formation du pouvoir est basée sur deux élections nationales quand le président a besoin d’obtenir la majorité stable dans le corps législatif, ce qui assure les activités du président et du gouvernement formé par lui-même. Par conséquent, quand le président ne représente pas ou ne soutient pas la force ayant la majorité dans le parlement, une crise dans le pouvoir interne et l’impossibilité de prendre les décisions serait inévitable. Mais en tenant compte du haut niveau de l’individualisme de la vie politique, la lutte des partis est perçue par le public comme une rivalité entre leurs leaders. En conséquence, les élections parlementaires définissent indirectement les résultats des élections présidentielles.

Pendant les relations politiques naturelles la compétition constructive entre les autorités et l’opposition est l’une des garanties du bon fonctionnement du système politique dans le processus électoral et post- électoral. La libre concurrence est l’une des axes de la lutte politique dans le système politique démocratique, quand l’opposition peut s’engager dans la lutte politique sans restriction et menaces externes, où tout le monde peut utiliser au maximum leurs ressources pour avoir du succès. Et dans cette lutte le choix fait par la majorité de la société reste une valeur absolue pour tous les partis. Donc, si les libres conditions de concurrence sont assurées dans le champ politique, les forces d’opposition peuvent devenir une menace sérieuse pour les autorités actuelles. Mais dans certaines sociétés suivant « la mise à niveau », quelques éléments de la culture autoritaire restent primaires, même s’ils se manifestant d’une manière latente sous le voile de démocratie, et l’élite gouvernante vise à se reproduire, la compétition saine politique est abolie, tous les domaines de la vie publique deviennent contrôlables.

Si on essaie de résumer ces processus du point de vue de la «concurrence » et de la « participation », qui sont les dimensions principales du régime politique mises en avant par Robert Dahl, nous pouvons noter qu’en Arménie le processus de démocratisation aboutit aux restrictions principales suivantes :

La restriction de concurrence dans le cadre de l’élite politique : quand le parti est victime de fragmentation, et la participation est limité à la concurrence au sein du parti-même, ce qui conduit à l’apparition des hommes  politiques  isolés et secondaires, dont le but principal est le renforcement de la domination de leader.

L’isolation de quelques acteurs du processus de la prise des décisions : quand ces éléments ayant d’autres positions sont isolés pour la mise en œuvre de la course politique adoptée et pour l’amélioration des positions de leader, ce qui en conduisant progressivement à la croissance d’influence des marginaux politiques, impose le régime gouvernant de dissuader pas seulement les autres forces, mais aussi la participation politique des masses larges.

La domination des institution non – formelles dans la prise de décisions politiques : quand les procédures non – formelles existantes influencent le processus de la prise des décisions politiques importantes.

Les manifestations pareilles dans le système politique sont propres à l’autoritarisme, mais également un certain niveau de l’autonomie, l’absence des restrictions des droits civils et des libertés prouvent que la formation de « la communauté d’élite » aboutit au régime hybride en Arménie ou bien à la formation de « la démocratie déléguée » ce qui est la mise en œuvre du pouvoir monopolistique autoritaire sous le voile des institutions démocratiques et de procédures.

La démocratie ne peut pas se développer et s’affirmer en tant qu’un système seulement par l’établissement des institutions correspondantes et par l’apparition des leaders qui se proclament comme des apologistes des valeurs démocratiques quand les bases nécessaires du système sont absentes.

Selon la théorie de J. Linz et À. Stephan la consolidation démocratique présuppose les changements profonds dans trois niveaux au moins : comportementale, de valeur et constitutionnel. Et on peut y atteindre seulement  au cas où :

  • Il n’y a pas des groupes politiques dans le champ qui visent à déstabiliser le régime démocratique ou bien réaliser une régression.
  • Les procédures démocratiques et les institutions sont perçues par la société comme les mécanismes les plus acceptables de régulation de la vie sociale.
  • Les acteurs politiques s’habituent au fait que toutes les confrontations sociales sont réglementées selon les lois, les procédures et les institutions validées par le processus démocratique.

Par la définition de Carothers, les démocraties liquides ont quelques caractéristiques de démocratisation de la vie politique, au moins la présence d’un espace politique limité pour les partis politiques d’opposition et la société civile indépendante, les élections régulières et les constitutions démocratiques. Cependant ils sont caractérisés aussi par une faible représentation des intérêts des citoyens, le bas niveau de participation politique ne passant pas les limites d’élection, les violations fréquentes des lois par les officiels, les doutes sur la légitimité des élections, l’absence presque totale de confiance sur les institutions d’État et la basse efficacité stable de l’État.

Dans les conditions pareilles chaque personne arrivée au pouvoir cherche à renforcer et à maintenir son pouvoir coûte que coûte, et en cas des menaces limiter les possibilités de concurrence en rendant le champ politique et social plus que contrôlable.


Bibliographie

  1. Մարգարյան Մարիամ Մամիկոնի: Քաղաքական արդիականացման և զարգացման հիմնահարցեր: Պատասխանատու խմբագիր Գ.Հ.Սաֆարյան, Երևան, «Պետական ծառայություն», 2004:
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  3. Карозерс Т., Конец парадигмы транзита, Политическая наука, 2003, №2.
  4. https://www.academia.edu/30870107/ОСОБЕННОСТИ_ПРОЦЕССА_ДЕМОКРАТИЗАЦИИ_ПЕРЕХОДНЫХ_ОБЩЕСТВ_методологический_анализ_ 


Auteur : Hayk Sahakyan. © Tous droits réservés.

Traduit par Taisya Hovhannisyan.