L’Explosion du Paris proche-oriental. Renouvelable

L’événement principal

Le réseau d’information libanais de satellite Al Mayadeen a annoncé le 4 août la triste nouvelle de l’explosion puissante survenue dans le bloc 12 du port de Beyrouth aux environs de 18 heures [1]. Des vidéos de l’explosion se sont vite répandus sur les réseaux sociaux par les utilisateurs libanais [2] où l’on voit d’abord la fumée montante de l’incendie, à laquelle suit une explosion puissante dont l’onde de choc a traversé 15km en quelques secondes seulement  atteignant même les côtes de Chypre.

La photo: The Guardian

Le président du Liban a rassemblé une réunion de sécurité, le 5 août a été annoncé comme jour de deuil national, un état d’urgence de deux semaines a été annoncé dans le pays. Selon le bilan du 7 août le nombre de morts est de 154 (dont 13 Arméniens) et 5000 blessés (dont 250 Arméniens), le nombre de personnes restées sans abris est de 300 000. Selon le scientifique arménien Areg Danagoulian la puissance de l’explosion est égale au 10% de la frappe nucléaire  d’Hiroshima en 1945 [3].

Le gouvernement a annoncé le 5 août qu’un certains nombres de fonctionnaires du port ont été assignés à résidence pour interrogatoire, rapporte USA Today.

Heureusement, aucune valeur libanaise du patrimoine mondial de l’UNESCO n’a été endommagée. Au Liban, par exemple, se trouvent les ruines du palais de Walid I et ses environs dans la ville d’Anjar, ainsi que l’ancienne ville de Baalbek.

Les conséquences économiques de l’explosion

La tragique explosion, d’une magnitude de 4,5 sur l’échelle de Richter, a porté un coup terrible à l’économie d’un pays qui traverse une crise financière et de politique intérieure dévastatrice depuis longtemps, en y ajoutant le taux de change en constante dépréciation et les nouveaux défis posés par le COVID-19. Le port de Beyrouth, épicentre de l’explosion, est le principal centre de transport du pays.

Selon Charbel Kordahi, économiste et conseiller financier du président libanais Michel Aoun, cité par ArabNews, les dégâts causés à l’économie libanaise par cette catastrophe, ainsi que les indemnisations de l’atténuation des conséquences pourraient s’élever à 15 milliards de dollars ajoutant que le Liban ne pourrait pas faire face seul sans l’aide international.

«Il (le port) était le coeur palpitant du pays parce que c’est justement ici qu’arrivaient 80% des produits importés au Liban ainsi assurant le progrès de l’économie»,- note Sami Halabi, le cofondateur du centre de consultation «Triangle» situé à Beyrouth.

Selon le rapport du centre de consultation «Triangle», dans la situation actuelle, le démantèlement du port menace gravement la sécurité alimentaire du Liban, vue que 65 à 85% des besoins alimentaires sont importés via ce port. De plus, le 4 août, 15 000 tonnes de céréales stockées dans le port ont explosé.

L’infographie: Thinktriangle.net

Le deuxième port est à Tripoli à 80km au nord de la capitale. Bien qu’il soit essentiellement beaucoup plus petit que le port de Beyrouth, il va être obligé d’organiser en quelque sorte la réception de l’énorme cargaison attendu.

«Le port de Tripoli n’est pas prêt à recevoir des importations alimentaires vitales. «Il y a une urgence exceptionnelle pour assurer ces importations, et le gouvernement ne dispose pas d’un taux de change international suffisant pour l’organiser»,- ajoute Halabi.

Les aéroports et les autres noeuds de transport peuvent assurer de 30% à 40% du commerce général, la réouverture des frontières d’Etat, 20% supplémentaires. Cela signifie que 5 milliards de dollars de biens importés n’arriveront pas au Liban, et que 2 milliards de dollars d’exportations resteront cloués au sol au cours des prochains 8 mois. Cela représente au total une perte d’environ 4 milliards de dollars, soit 15% du PIB.»,- note Kordahi, le conseiller financier du président.

Il est encore tôt d’évaluer tout l’effet néfaste de l’explosion sur l’environnement, mais selon l’expert Mostafa Raadi on aurait constaté une catastrophe écologique incomparablement énorme si les vents avaient emporté le nuage toxique plein de nitrates d’ammonium du rivage vers la mer.

«Nous avions peur que les résidus de nitrate d’ammonium provoquent des pluies acides, mais selon des tests réalisés sur des échantillons d’air, tous les indicateurs sont au vert, il semble que le nuage toxique ait disparu au-dessus de la mer », conclut Raad, rapporté par ArabNews.

Les hypothèses de l’explosion

Juste après l’explosion des hypothèses officielles et civiles ont commencé à circuler.

Civiles: un certain nombre d’habitants racontaient sur leurs pages personnelles ou aux journalistes venus sur le lieu qu’ils avaient entendu des hélicoptères avant l’événement  supposant que l’explosion était due à la frappe aérienne de l’ennemi (de l’Israël).

Officielles: des produits explosifs gardés dans le port peuvent être la cause de l’explosion. Cet avis a été partagé par Badri Daher, responsable de la douane libanaise et le chef de la sécurité générale Abbas Ibrahim a rapporté à Al-Mayadeen que les produits chimiques, cause éventuelle de l’explosion, avaient été confisqués depuis un certain temps, et donc il est nécessaire d’ouvrir une enquête pour constater ces faits [4]. Hamad Hassan, le Ministre de la Santé avait rapporté aux masses médias locales que c’était un navire qui transportait des produits de feu d’artifice qui avait explosé [5].

L’agence France Presse a fait passé sur son microblog de twitter deux annonces importantes: selon la première, le président libanais Michel Aoun aurait refusé toute proposition de commencer une enquête internationale pour le dévoilement des causes de l’explosion, et selon la deuxième, Hassan Nasrallah, le secrétaire général du parti libanais «Hezbollah» aurait démenti les informations sur le stockage des munitions dans le port.

La photo: Al-Ahed News

Le chef de l’agence des douanes libanais, Badri Daher, cité par USA Today, a informé le jour suivant de l’explosion que pendant plusieures années de 5 à 6 lettres ont été adressées aux membres du pouvoir juridique par différents fonctionnaires avec une revendication de donner une solution juridique à la transportation dans d’autres endroits plus sûrs des nitrates d’ammonium dangereuses stockées dans le port.

Pourtant les responsables du port assurent que les travaux de rénovation ont été terminés avant la catastrophe.

L’echo international et humanitaire

USA. L’ambassade américaine au Liban a annoncé sur son compte Twitter officiel que le gouvernement américain fournira 17 millions de dollars d’aide d’urgence.

Artsakh. Sur sa page Facebook, le président Arayik Harutyunyan a exprimé son soutien au peuple fraternel du Liban et à nos compatriotes indiquant qu’il est en échange constant avec la Représentation permanente de la République d’Artsakh dans les pays du Proche-Orient, avec l’ambassade d’Arménie au Liban et avec les responsables de la communauté arménienne [6]. Sur sa page Facebook Arthur Tovmasyan, le président de l’Assemblée Nationale a exprimé ses condoléances aux autorités libanaises et au peuple dont font partie nos compatriotes [7].

Commission européenne. L’aide s’élève à 33 millions d’euros pour les besoins d’urgence, l’équipement médical ainsi que pour la protection des infrastructures vitales de Beyrouth. Le porte-parole de la Commission européenne, Eric Mamer, a déclaré lors d’un briefing à Bruxelles le 7 août qu’il y aura une vidéoconférence internationale des donateurs pour le Liban dimanche, le 9 août.

Iran. C’est l’un des principaux alliés du Liban. Le président Hassan Rohani a chargé le Croissant-Rouge iranien de prendre des mesures immédiates pour envoyer une aide humanitaire au Liban. Les dirigeants laïques et religieux de l’Iran ont transmis des messages de soutien et de serviabilité. Un hôpital de campagne iranien a été installé à Beyrouth, et un personnel médical de 37 membres composé de chirurgiens, neurologues, anesthésistes, orthopédistes, pédiatres, etc. a été envoyé. Les 5 et 6 août, il y a déjà eu une livraison à Beyrouth, principalement sous forme de médicaments et de nourriture.

Israël. Quelques heures après l’explosion, Jérusalem a annoncé officiellement qu’elle n’avait rien à voir avec l’explosion de Beyrouth et a proposé son aide humanitaire au Liban par l’intermédiaire des organisations internationales. De plus, la mairie de Tel-Aviv a été illuminée du drapeau national libanais en signe de soutien au peuple libanais.

Dans son discours devant le parlement israélien le Premier ministre Benjamin Netanyahou a commenté: «Nous ne nous luttons ni contre le peuple libanais, ni contre le peuple iranien, mais contre leurs gouvernements». Les autorités libanaises ont cependant rejeté l’offre, arguant qu’elles n’ont besoin d’aucune aide de l’ennemi.

Arménie. Les organes exécutifs, législatif et religieux ont envoyé des messages de condoléances de la plus haute direction exprimant leur soutien au peuple libanais fraternel. Le 5 août, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères de l’Arménie, Anna Naghdalyan, a publié sur Facebook qu’un groupe de travail avait été mis en place au ministère des Affaires étrangères pour coordonner avec l’Organisation libanaise de crise la fourniture d’une assistance ciblée au Liban [8]. La porte-parole du Premier ministre de l’Arménie, Mane Gevorgyan, a informé le même jour que l’aide à envoyer de l’Arménie au Liban se ferait sous forme de médicaments, d’appareils médicaux, de nourriture et d’autres fournitures [9]. Lors de la séance de l’exécutif du 6 août, le vice-Premier ministre de la RA, Tigran Avinyan, a déclaré que l’aide d’urgence arriverait au Liban par un vol spécial prévu dans la soirée du 8 août.

Le 7 août, lors d’une discussion de travail convoquée par le Premier ministre de la RA, Nikol Pashinyan il a été annoncé que l’aide humanitaire serait transporté par 3 avions. Le premier avion transportera 12 tonnes de médicaments, de nourriture et d’autres fournitures nécessaires. Et dans la semaine du 10 août partiront les deux autres avions, ainsi qu’une délégation composée de représentants du gouvernement, de l’Assemblée nationale et du Fonds Pan-Arménien «Hayastan» [10].

La photo: Assemblée nationale de la République d’Arménie

Russie. Le ministère des Situations d’urgence enverra 5 avions d’aide humanitaire au Liban, dont 3 ont atterri à Beyrouth tard dans la soirée du 6 août, amenant avec eux des groupes opérationnels de médecins, psychologues et secouristes russes, soit au total 150 personnes. L’assistance comprend l’hôpital aéromobile, des experts du Service fédéral russe de protection des droits et du bien-être des consommateurs et le laboratoire de la détection du Covid-19 [11]. Il est prévu de fournir des soins médicaux ambulatoires à environ 200 victimes à l’hôpital et des soins hospitaliers à 50 victimes par jour [12].

Tchéquie. Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur Jan Gamachek a annoncé sur son microblog Twitter: «La République tchèque enverra un détachement de 37 sauveteurs (dont 5 sauveteurs-cynologues) à Beyrouth» [13].

France. Emmanuel Macron a été le premier président étranger à se rendre à Beyrouth le 6 août pour rencontrer les habitants des zones les plus touchées. Parallèlement deux avions français sont arrivés à Beyrouth avec un personnel de sauvetage spécial et des produits de première nécessité. À l’issue de la visite lors d’une conférence de presse le président a réaffirmé sa disponibilité à fournir de l’assistance qui sera continuelle, aussi a-t-il souligné la nécessité et l’urgence de réformes à grande échelle dans le pays par les autorités libanaises [14].

La photo: The National

À part les assistances organisées au niveau officiel et international certaines personnalités de renommée mondiale ont exprimé leur disponibilité et leur soutien pratiques.

Ainsi, l’acteur américain George Clooney et sa femme feront un don de 100 000 dollars à des associations de bienfaisance libanaises. Rappelons que l’épouse de Clooney est Amal Clooney, avocate de niveau international d’origine libanaise.շ

Les dégâts de la communauté arménienne du Liban

La communauté libano-arménienne a subi des pertes matérielles importantes et, malheureusement humaines. Il a été initialement mentionné qu’au 7 août, 13 Arméniens avaient été tués (dont le secrétaire général du parti «Kataeb» Nazar Najarian). La résidence du patriarche suprême d’Antelias (en particulier la cathédrale, les appartements du Catholicos, les portes, les lustres, les fenêtres des centres arménologiques et pédagogiques, du musée «Cilicie» [15]), le bâtiment de l’ambassade d’Arménie au Liban, la seule université haïgazienne de la diaspora, un certain nombre d’églises, d’offices et d’institutions culturelles ont été touchés. Lors d’une conversation avec « Armenpress », le rédacteur en chef du quotidien « Azdak » Shahan Gantaharian a déclaré qu’une telle explosion n’avait jamais eu lieu pendant la guerre civile libanaise [16].

Options de dons financiers pour les victimes

L’organisation Le lien du don
Impact Lebanon Faire un don ici.
Croix Rouge libanaise Faire un don ici.
Fonds Pan-Arménien «Hayastan» Faire un don ici.
Banque alimentaire libanaise Faire un don ici.
ONG «Beit el Baraka» pour le soutien des personnes âgées Faire un don ici.
Programme alimentaire mondial des Nations Unies Faire un don ici.

 


Auteur: Vahe Salahyan © Tous droits réservés.

Traduit par Lusine Aghajanyan